La médiathèque va bientôt remplacer
l'ancienne bibliothèque municipale animée par l'Association des
Amis de la Bibliothèque. On va y trouver non seulement des livres,
mais des CD et des DVD . Cela va-t-il signifier le déclin du
livre et le triomphe de la vidéo sous toutes ses formes ? Une
information parue dans la presse devrait nous faire réfléchir. Des
journaux dont '' Le Monde ˝ ont fait part d'une
expérience en cours chez les Orangs-outans. On a remarqué dans les
zoos de Toronto au Canada et de Milwaukee aux U.S.A.que certains
singes prenaient grand plaisir à utiliser l'I-Pad . On envisageait
même de créer un réseau inter-zoos avec sites de rencontres
simiesques ! Cette utilisation de l'I-Pad ouvrirait de nouveaux
horizons pour un dialogue fraternel entre les humains et les singes.
Cependant, on n'a jamais vu, jusqu’à présent des singes,
intéressés par la lecture de livres. De quoi faire réfléchir !
Les ˝ Amis de la bibliothèque ˝
organisent depuis deux ans des rencontres avec les élèves de
l'école de Lasalle autour des livres, ils espèrent bien continuer,
malgré l'attrait d'internet et de la vidéo.
Pourquoi consacrons-nous une part
importante de notre activité de bénévoles à la bibliothèque en
direction des jeunes ?
- Parce que le prêt des livres aux
jeunes est un service public incontournable ? C'est vrai.
- Parce que c'est un bonheur de voir
les enfants s'intéresser aux livres, en parler entre eux, avec leurs
enseignants ou avec nous ? C'est vrai.
- Parce que nous aimons raconter des
histoires aux enfants ? C'est vrai aussi.
Un état des lieux alarmant pour la
lecture
Mais au-delà de ces raisons dont
certaines sont éphémères, la cause de la lecture est devenue une
question majeure dans tout le pays. Le poids des images et du son est
devenu si envahissant dans nos sociétés multimédia qu'il obstrue
l'accès à la lecture. Des nouvelles idoles technologiques, on
attend tout, et tout de suite : informations, plaisir,
communication, amour et amitié, richesse et bien être...
Mais que serait un monde où le niveau
d'abstraction et la distance critique apportés par l'écrit
déconnecté de l'image, deviendraient absentes ? Sans doute un
monde totalitaire tout simplement.
Il existe un véritable problème pour
la lecture en France : 12% de la population française est
frappée illettrisme. D'après une enquête de l'INSEE de 2009, 43%
des jeunes 16 à 24 ans n'ont lu aucun livre durant l'année et 19,8%
des jeunes de 15 ans ont des difficultés notables en lecture.
Pour Christian Forestier ,
Inspecteur général de l'Education nationale et membre du Haut
Conseil de l'Education, ˝ 20 % des élèves quittent l'école
sans avoir obtenu un diplôme de l'enseignement secondaire, 20 % des
élèves arrivés en fin de 3e ont redoublé 2 fois, 20 % des élèves
de CM2 sont considérés comme des lecteurs médiocres... Ces
chiffres sont alarmants et portent en germe l’échec scolaire de
150 000 jeunes qui sortent chaque année sans aucun diplôme de notre
système éducatif ˝
Une enquête de l’OCDE (Organisation
de Coopération et de Développement Economique qui comprend 34 pays
parmi les plus développés dans le monde) révèle que 40% des
garçons de 15 ans n'éprouvent aucun plaisir à lire et 47% lisent
parce qu’ils y sont obligés. De plus, 38% des garçons de 15 ans
disent s’ennuyer à l’école, contre 19% des filles. Enfin, 41%
d’entre eux considèrent l’école comme un endroit où ils n’ont
pas envie d’aller, contre 36% des filles.
Ce problème concerne évidemment
l'école. Mais que peut-elle seule dans une société où la lecture
est devenue pour beaucoup ringarde et dévalorisante ?
Agir pour le développement de la
lecture
D’après la même OCDE – mais elle
n'est pas la seule à penser ça - il existe un lien étroit entre la
motivation d’apprendre et la réussite scolaire. Si un enfant
refuse d’apprendre et de s’intéresser à l’école, c’est
donc aux professeurs et surtout aux parents de motiver l’enfant. On
peut dire la même chose pour la lecture.
En même temps tous les enfants ont
envie d'apprendre, à moins qu'ils ne souffrent d'une pathologie
particulièrement grave. Pour un enfant, apprendre, c'est comme
grandir. Il ne peut pas faire autrement. Le rôle de l'éducation
c'est d'orienter leurs apprentissages. Leur faire apprendre ce qui ce
qui paraît utile pour eux et pour la société.
Mais là, on s'aperçoit vite qu'il n'y
a pas que les professeurs et les parents en jeu. Il y a aussi les
bibliothèques. D'après Jean-François Hersent de la Direction du
livre et de la lecture, ˝ presque partout, les enfants
représentent non loin de la moitié des prêts” des bibliothèques
publiques.
On voit donc que la réussite future
des enfants dépend d'une multiplicité d'intervenants. Parmi ces
intervenants, le rôle des bibliothèques est majeur. C'est bien pour
cette raison que les ˝ Amis de la Bibliothèque ˝
assurent depuis deux ans ce partenariat avec les trois classes de
l'école qui voulaient bien y venir .
Les liaisons entre l'école et les
bibliothèques sont partout un pilier de l'apprentissage de la
lecture.
L'école, la bibliothèque, à chacun
son rôle
Le rôle de l'école, c'est tout
simplement d'apprendre aux élèves à lire. Elle leur apprend toutes
les techniques indispensables : reconnaître les lettres de
l'alphabet, mettre en relations signes et sons, écrire, donner du
sens à ce qu'on lit... Elle s'efforce aussi de motiver les enfants
notamment avec la bibliothèque scolaire.
La bibliothèque associative ou
municipale, elle, ne propose pas de techniques d'apprentissage. C'est
un autre univers. Un univers où la curiosité, l'étonnement, le
plaisir de la découverte priment.
Les histoires, les contes, racontés
par les bénévoles prolongent une tradition orale ancestrale qui se
trouve à la base même de l'écrit. Ce faisant, elle ouvre une
fenêtre sur la richesse et la diversité des livres, leur raison
même d'exister, y compris pour ceux qui ne maîtrisent pas, ou pas
très bien la lecture.
La bibliothèque propose des livres
qu'on peut explorer avec d'autant plus d'intérêt qu'on maîtrise
déjà les techniques apprises à l'école. L'univers diversifié des
livres offerts par la bibliothèque stimule le désir d'améliorer sa
lecture car elle permet la découverte d'horizons toujours nouveaux.
C'est un lieu où on peut se familiariser avec les livres, même si
on n'en a pas à la maison.
Les élèves y trouvent du plaisir et
ce plaisir fait partie intégrante de l'apprentissage de la lecture,
même s'il ne suffit pas pour savoir lire. C'est là toute
l'importance de l'échange bibliothèque-école. Pour les élèves
d'abord, et par ricochet pour tout le monde.
Gérard Feldman
C'est un livre - Lane Smith par GallimardJeunesse
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