Dans une démocratie, les journalistes portent une lourde responsabilité, puisque de la liberté dont ils et elles disposent, ainsi que de la qualité de l’information livrée, dépend la qualité du débat public et des choix qui en découlent. La méthode scientifique, de son côté, permet de produire des connaissances fiables pouvant servir de base de réflexion pour les politiques publiques portant sur des questions complexes telles que l’alimentation, la santé publique ou l’écologie [1]. Il apparaît alors évident que scientifiques et journalistes doivent travailler main dans la main : les premier·e·s ne devant pas s’isoler médiatiquement par crainte de voir leurs travaux déformés, les second·e·s ne pouvant se permettre de travestir ni le travail des premier·e·s, ni les faits.
C’est sur ce dernier point que nous alertons les acteurs et actrices des médias. Nous assistons aujourd’hui à un dévoiement grandissant du travail des scientifiques. Leurs résultats ne sont bien souvent mis en avant que s’ils confortent des opinions préexistantes. Dans le cas contraire, certain·e·s iront sous-entendre leur rémunération par un lobby malveillant. Soyons clair·e·s : l’état de nos connaissances ne saurait être un supermarché dans lequel on pourrait ne choisir que ce qui nous convient et laisser en rayon ce qui contredit nos opinions. Il existe en effet des consensus scientifiques sur des sujets aussi divers que :
- La santé :
- L’agriculture :
- Aux expositions professionnelles et alimentaires courantes, les différentes instances chargées d’évaluer le risque lié à l’usage de glyphosate considèrent improbable qu’il présente un risque cancérigène pour l’humain [5,6,7].
- Le fait qu’un organisme soit génétiquement modifié (OGM) ne présente pas en soi de risque pour la santé [8].
- Le changement climatique :
Bien entendu, la science n’a pas réponse à tout. Il existe des questions qui n’ont pas conduit à un consensus clair, voire qui restent sans réponse. Il est alors tout à fait légitime pour un média de présenter et d’expliquer le débat qui a lieu. Si un consensus existe, le ou la journaliste doit être capable de l’identifier, de chercher à le comprendre et à en rendre compte. Il n’est pas souhaitable de donner autant de poids à un fait scientifique dûment établi qu’à sa négation. Il serait par exemple impensable qu’après 15 minutes d’un sujet sur la station spatiale internationale, l’on donne 15 minutes d’antenne à un·e adepte de la Terre plate.
Nous comprenons que des « marchand·e·s de doute », y compris certain·e·s scientifiques, aient tenté et tentent encore de détourner le public du consensus. Cependant, les journalistes se trompent de cible s’ils et elles croient que les scientifiques sont leurs ennemi·e·s. Ces dernier·e·s risqueraient de s’éloigner plus encore des journalistes. Enfin, nous soulignons la différence entre les échelles de temps scientifique et médiatique. La surinterprétation de résultats préliminaires et petites avancées sitôt contredits ou nuancés brouille le message adressé au public. S’il est légitime de chercher à informer dans les délais les plus brefs, cette réactivité peut s’avérer contre-productive, en particulier sans les clés de compréhension de l’actualité scientifique.
Il est urgent que la place de l’information scientifique dans nos médias et dans le débat public soit revue, pour éviter de creuser le fossé entre scientifiques et journalistes. Réfléchissons ensemble à la façon de rendre à la science la place qu’elle mérite. Pour un débat public apaisé et rationnel, pour le bien de notre vie politique, pour nos concitoyen·ne·s. « La science n’a pas de patrie », nous dit Louis Pasteur. Nous ajoutons qu’elle ne saurait avoir de parti-pris idéologique.
[1] Assemblée Nationale
Résolution sur les sciences et le progrès dans la République. Session ordinaire de l’Assemblée Nationale du 21 février 2017.
[2] Académie nationale de Médecine, Académie des Sciences
Les difficultés de l’information du public sur les vaccinations. Académie nationale de médecine - Académie des Sciences. Novembre 2011.
[3] OMS
10 menaces pour la santé mondiale en 2019. OMS. Consulté le 20 février 2019.
[4] EASAC
L’homéopathie : nuisible ou utile ? Les scientifiques européens recommandent une approche fondée sur la preuve scientifique. Académie des Sciences. Communiqué de presse du vendredi 29 septembre 2017.
[5] EFSA Journal
Conclusion on the peer review of the pesticide risk assessment of the active substance glyphosate. Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA). EFSA Journal, 12 novembre 2015.
[6] FAO
FAO specifications and evaluations for agricultural pesticides - Glyphosate. Consulté le 20 février 2019.
[7] ANSES
Avis de l’Anses sur le caractère cancérogène pour l’homme du glyphosate. 12 février 2016.
[8] OMS
Sécurité sanitaire des aliments - questions fréquentes sur les aliments génétiquement modifiés. OMS. Mai 2014.
[9] GIEC
Climate Change 2013: The Physical Science Basis. Contribution du 1er groupe de travail au 5e rapport du GIEC, 2013.
[10] GIEC
Réchauffement climatique de 1,5°C - Rapport spécial du GIEC. Chapitre 2 : voies d’atténuation compatibles avec 1,5°C dans le contexte du développement durable. GIEC. Consulté le 20 février 2019.
No Fake Science
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